Haute intensité : L’aviation de combat française pourrait être anéantie en moins de cinq jours, selon un rapport

L’aviation de combat française pourrait être anéantie en moins de cinq jours, selon un rapport

 

Les tendances et les menaces qui avaient été identifiées par la Revue stratégique de 2017 se sont non seulement vérifiées, mais aussi accélérées. Comme le « durcissement » des politiques de puissance de certains États, lesquelles s’accompagnent de stratégies dites « hybrides », qui, conçues pour rester sous le seuil de riposte ou du conflit ouvert, combinent des modes d’action militaires et non militaires, directs et indirects, légaux ou illégaux.

Aussi, la Revue stratégique actualisée en janvier 2021 estime que « l’hypothèse d’un affrontement direct entre grande puissances ne peut plus être ignorée ». Ce qui fait que, désormais, la priorité des responsables militaires français est de se préparer à l’éventualité d’un engagement dit de « haute intensité ».

Dans un rapport qui a été examiné en commission ce 16 février, les députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès ont examiné les implications que cette évolution peut avoir sur les forces françaises, qui, ces dernières années, ont surtout été engagées dans des opérations de contre-terrorisme, dans un relatif « confort opératif », car évoluant dans des environnements « permissifs ».

On pourrait penser que la dissuasion nucléaire épargnerait à la France d’être engagée dans un conflit de haute intensité. Mais comme l’a expliqué M. Thiériot, il n’en est rien.

« Le concept d’emploi des forces, réactualisé par l’État-major des armées en 2021 a […] défini précisément les implications qu’auraient un conflit » de haute intensité. En somme, la France pourrait s’engager dans un [tel] conflit temporairement seule ou aux côtés de ses alliés pour mettre fin à des actions de déstabilisation de l’ordre international, particulièrement préjudiciables à ses intérêts, ceux-ci incluant l’intégrité territoriale des pays de l’Union européenne », a expliqué le député.

Et d’ajouter : « La dissuasion nucléaire et les alliances la prémunissent théoriquement d’une escalade. Cependant, les adversaires potentiels se sont évidemment adaptés à ces réalités et s’assureront de porter des coups qui pourront être durs en dessous du seuil de riposte nucléaire ou de déclenchement des clauses de sécurité collective, rappelant que la riposte nucléaire est toujours limitée aux intérêts vitaux ».

Un conflit de haute intensité pourrait avoir plusieurs causes. Comme par exemple, une « erreur de calcul », c’est à dire, selon M. Thiériot, qu’ »un État pourrait franchir un seuil jugé majeur pour un autre compétiteur sans s’en rendre compte ». Ou encore une escalade non maîtrisée, un manque de transparence sur les intentions et l’instrumentalisation d’un pays tiers par une autre puissance dans le but de s’épargner une riposte nucléaire.

Comme l’a rappelé Mme Mirallès, un possible conflit de haute intensité peut présenter plusieurs caractéristiques. D’abord, on estime que les modes opératoires hybrides seront « systèmatiquement employés aux côtés des moyens conventionnels », a-t-elle souligné. En clair, il faut s’attendre à des actions dans les champs immatériels [guerre informationnelle, attaques informatiques, etc]. La guerre électronique en sera également un aspect déterminant, comme l’a montré le conflit du Haut Karabakh, en octobre 2020, au cours duquel les forces arméniennes ont été « aveuglées » par leurs homologues azerbaïdjanaises.

Enfin, évidemment, la haute intensité suppose de lourdes pertes, tant en hommes qu’en matériels… Et sur ce point, les estimations livrées par la députée sont préoccupantes. « En extrapolant à partir des taux d’attrition constatés lors de conflits symétriques entre forces aériennes, comme la guerre du Kippour ou celle des Malouines, il est manifeste que l’aviation de chasse française pourrait être réduite à néant en cinq jours », a-t-elle avancée. Or, avec la vente de Rafale d’occasion, qui n’ont pas été remplacés dans les escadrons de l’armée de l’Air & de l’Espace, on peut s’attendre à une situation encore plus tendue. D’autant plus que se pose aussi la question des stocks de munitions.

En outre, les derniers exercices censés préparer les forces françaises au combat de haute intensité ont chacun livré leur verdict. Ainsi, les manoeuvres Warfighter 2021, organisées au niveau divisionnaire en avril dernier, ont mobilisé plus de 3’000 soldats, dont un millier de français [et autant de britanniques et d’américains]. Et elles ont montré qu’il fallait s’attendre à perdre un millier de soldats en dix jours de combat… Et davantage de blessés.

Dans le domaine maritime, d’une ampleur que l’on avait plus vue depuis fort longtemps, l’exercice Polaris 21 a réuni une vingtaine de navires et plus de 6000 militaires en Méditerranée, entre le 27 novembre et le 3 décembre 2021. Le groupe aéronaval du porte-avions Charles de Gaulle y a pris part, de même que la « task force 472 », constituée autour du porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre. Ces manoeuvres ont mobilisé plusieurs bâtiments étrangers, notamment britanniques, américains, espagnols, italiens et grecs.

S’agissant des moyens engagés par la Marine nationale, des navires anciens, comme la frégate anti-sous-marine [FASM] Latouche-Tréville ainsi que les patrouilleurs de haute-mer [PHM] Commandant Birot et Commandant Ducuing, ont côtoyé des bâtiments récemment admis au service, à l’image des frégates multimissions « Provence », « Alsace » et « Aquitaine ».

Les détails de cet exercice figurent sans doute dans le rapport des deux députés [qui n’a pas encore été publié]. Mais lors son examen en commission, Mme Mirallès a indiqué que, lors d’un premier combat ayant duré une quinzaine de minutes, « deux frégates ont été envoyées [fictivement, ndlr] par le fond » et que « deux autres ont été neutralisées », ce qui représente 200 à 400 marins tués ou disparus. Au total, à l’issue de ces manoeuvres, huit navires ont été détruits. Probablement qu’il s’est agi des plus anciens… Ou pas.

Quoi qu’il en soit [et l’on aura plus de détails une fois le rapport édité], les deux députés ont identifié neuf enjeux pour l’avenir du modèle français de défense, dont l »anticipation », la « réactivité », l’ »interopérabilité » [seule une coalition permettra de tenir dans la durée, dixit M. Thieriot], la « masse » [pour sanctuariser les fonctions stratégiques et garantir résilience face aux pertes], l’ »épaisseur » [produit de la masse et de la résilience du soutien, « l’aptitude à durer est clairement trop faible aujourd’hui, selon le député], « l’arbitrage entre rusticité et technologie », la « synchronisation des effets » [c’est à dire le combat « collaboratif » pour schématiser], les « compétences » et, enfin, les « forces morales ».

« Il faut que nos forces morales […] soient suffisantes pour affronter des adversaires dont le rapport à la mort, au sacrifice et à la patrie ne sont pas nécessairement les mêmes que chez nous », a conclu M. Thiériot.